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De l'économie et des Hommes: de la main invisible à la main visible

En tant qu'activité humaine organisée en vue de satisfaire nos multiples besoins et désirs, l'économie a une grande présence dans nos vies quotidiennes. À l'épicerie, au travail, au cinéma, dans nos activités de bénévolat, nous évoluons dans le champ de l'économie.

Dans cette sphère économique, les organisations jouent un rôle pivot. Qu'elles soient privées, publiques, associatives, à but lucratif ou non, ce sont elles qui conçoivent, produisent et mettent sur le marché des produits, en fonction des besoins existants dans la société. Ce faisant, elles génèrent globalement de la richesse et concourent à l'accroissement du bien-être économique et social des membres de la société.

Les angles morts de la main invisible

"Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger qu'il faut espérer notre dîner, mais de leur propre intérêt". Cette formulation d'A. Smith (1776), l'un des pères fondateurs de l'économie libérale, illustre sa théorie de la main invisible, selon laquelle, la poursuite de l'intérêt individuel conduit à un intérêt général.

En poursuivant leurs propres intérêts, les individus sont guidés par une main invisible à servir un intérêt plus général. Ainsi, le boucher, le brasseur ou le boulanger exercent leurs activités en étant motivés par le gain personnel qu'ils vont retirer de la vente de leurs produits mais au final, les produits générés servent à satisfaire les besoins des consommateurs qui les achètent. Dans cette perspective de la main invisible, l'égoïsme est une vertu qui contribue à un intérêt général.

L'égoïsme, en tant qu'attitude à se préoccuper de son intérêt individuel, peut être bénéfique. Dans ce sens, il constitue un moteur qui amène l'individu à aller de l'avant, à réaliser ses aspirations profondes, à se dépasser. Cependant, il comporte un aspect négatif lorsqu'il ne tient pas compte, intentionnellement, des intérêts d'autres catégories de personnes ou de la société.

L'histoire des faits économiques est jalonnée d'exemples montrant la face négative des comportements d'individus exclusivement préoccupés par leurs seuls intérêts. L'industrie du tabac, avec les dangers potentiellement mortels de ses produits (risques de cancer), en est une illustration patente. Avec de tels cas, la poursuite d'intérêts individuels menant à un intérêt général fait défaut. La commercialisation de produits (cigarettes en l'occurence), dont l'usage normal tel que prévu par les fabricants, conduit à des risques de maladies, ne contribue aucunement à un intérêt général.

Le principe de la main invisible, à la base de l'économie de marché, est donc insuffisant pour harmoniser intérêt individuel et intérêt général. Il n'y a pas d'intention ou de volonté manifeste de servir un intérêt général. Dans ce cas, comme le montre l'exemple de l'industrie du tabac, les individus sont préoccupés par leurs seuls intérêts et la poursuite de l'intérêt général est laissée à l'opération d'un mécanisme aléatoire.

La main visible ou l'intention manifeste de contribuer à un intérêt général

Pour pallier les carences du postulat de la main invisible, la poursuite d'un intérêt général de la part des organisations doit être soutenue par un engagement formalisé et des moyens d'action précis: par un principe de la main visible.

L'intérêt général peut revêtit de multiples formes à l'échelle des organisations. En fonction de leurs missions et de leurs valeurs, il peut viser la santé et le bien-être des consommateurs, le développement humain des employés, la protection de l'environnement, etc.

Des innovations, dans les structures et dans les pratiques des organisations, voient le jour à travers le monde, afin que la rencontre des intérêts propres de l'entreprise et d'un intérêt général ou collectif, soit clairement définie et mise en oeuvre. Ainsi en est-il des nouvelles structures juridiques d'entreprise, créées au cours des vingt dernièeres années, qui lient le but lucratif poursuivi à la réalisation d'un objectif d'ordre général. On peut citer par exemple: la Benefit Corporation (en vigueur dans 35 états des États-Unis), la Community Contribution Company (Colombie-Britannique, Canada) ou encore la loi PACTE (France).

Ces nouvelles formes juridiques d'entreprise, dites entreprises à mission sociétale, s'engagent, en complément de leurs buts lucratifs, à réaliser une contribution sociétale de leur choix avec en appui, des mécanismes de contrôle et de transparence. Leur engagement formel pour un intérêt général est donc inscrit dans leurs statuts. D'autres organisations, toujours dans le souci de servir un intérêt général mais sans changer leur forme juridique, innovent dans leurs pratiques de gestion, au niveau par exemple de la participation des employés aux décisions, ou en instaurant une logique de coopération avec leurs concurrents dans l'optique de servir un intérêt collectif.

L'émergence de ces nouvelles façons de faire modernise la mission de l'entreprise au sein de la société. Elle exprime l'évolution du champ d'action économique, en résonance et en harmonisation avec les attentes des membres de la société. Dans ce sens, elle s'inscrit dans un progrès social.





 

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Anne Akitani détient un doctorat en administration (DBA) de l'Université de Sherbrooke, et de l'expérience en enseignement. Elle est animée par la volonté de contribuer à l'évolution des pratiques de gestion qui concilient les intérêts économiques de l'entreprise et son engagement à contribuer au mieux commun.
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